En ce moment je suis dans un moment bizarre de ma vie. En effet, j’ai appris le décès de ma mère, Odille Edelein, le 7 mai 2019. Et depuis je suis dans l’attente, d’un test ADN qu’a fait ma soeur pour permettre d’identifier le cadavre de ma mère. Et en attendant, son corps est conservé à la morgue à Marseille, cela fera bientôt un mois…
Hier quelqu’un me demandait : comment ça se passe pour ta mère? Et moi avec mon humour toujours décalé je répondais : “Elle est toujours au frigo en attendant qu’on ait la permission de la mettre au four….“ J’ai choqué la personne qui me posait la question ! Je l’ai vu à sa tête et je me suis excusé de mon manque de tact… Et cela m’a renvoyé au Décès d’Élise (ma première épouse) où quelqu’un me disait lors de la présentation des condoléances et des accolades “Et oui… C’est la vie !” Et moi de lui répondre “Et non, mon brave monsieur, c’est la mort !”
Que je n’aime pas ces moments où souvent tout me semble faux… Les familles et les amis autour du corps … les uns qui pleurent et les autres qui sont juste là… Pour … va savoir pourquoi … D’ailleurs pour le mort ? Mais il s’en fout le mort ! Il est mort … Alors pour qui ? Pour les autres ? Ceux qui pleurent ? Mais ceux qui pleurent souffrent souvent tellement que la présence de monde à côté d’eux c’est insupportable… Avec les phrases toutes faites comme “Nous sommes tous dans la main de dieu” (tu parles toi ? Je suis athée ! Et ton dieu je n’y croie pas) ou alors un truc genre “Il faut être fort !” Mais je n’ai pas envie d’être fort ! Vous me prenez la tête avec vos phrases creuses qui ne m’apportent rien… Alors quoi ? Ne rien dire ? mais on ne peut pas rien dire, car le non verbal est là ! Et même quand je ne parle pas, je parle ! Développer sa compassion ?
Développer son empathie ? Oui c’est réellement un bel endroit pour cela. Alors j’ai fait un tour sur les morts qui m’ont touchée… Et il y en a beaucoup ! Je ne retournerai donc que sur les très proches… Voilà la liste que j’ai choisie aujourd’hui, Élise (ma première épouse), Pierre-Simon (mon fils), Benoit (mon père), Jean (mon frère) et Odille (ma mère)…
Tout d’abord les points communs et différences :
- Les bons souvenirs sont présents plus que les autres… Je n’ai pas oublié, mais j’ai tout pardonné… Et aujourd’hui je suis en paix dans ma relation avec eux.
- La douleur lors de la nouvelle. Surtout pour Élise… Et Pierre-Simon… Une douleur physique violente qui m’a terrassé !
- La perte de contact avec la réalité… Pour tous sauf mes parents, pour qui c’était déjà acquis qu’ils allaient mourir, et donc pas de surprise ou de refus pour eux…
- Le rituel funéraire terrible à vivre, voire insupportable. Élise, on m’a porté de bout en bout Pierre-Simon, j’ai soutenu tout le monde bout en bout Mon frère et mon père … Je me suis senti seul, ignoré, mis au banc, abandonné, et heureusement mes enfants et ma femme m’ont soutenu. Alors pour ma mère, je ne veux pas y aller ! Je ne veux pas revoir, les gens que je ne veux pas voir… Et ma mère elle s’en fout… Puisqu’elle est morte ! On verra…
Et je finirai par ce rituel mortuaire… Que ce soit un truc “religieux” … Élise (protestant), Mon père (catholique) ou laïc comme Pierre-Simon, Jean, ma mère… Les discours sur le mort sont insupportables pour moi ! J’ai bien dit les discours sur “le” mort, et non les discours sur la mort…
On peut me parler de la mort. La mort est au bout de mon chemin. Je le sais et je l’ai admis. Je peux parler de la mort. Je peux parler de ma mort. Je peux aussi parler de la mort des autres, juste pour partager, pour échanger… Et même dans certains cas pour les personnes qui ont contribué à rendre le monde meilleur… Je vais mettre un bémol à ce que j’ai écrit plus haut. Les discours sur le mort ne me sont pas insupportables, en fait… Ce qui m’est difficile à vivre c’est de devoir supporter les autres pendant ce rituel. En général, je reste au fond de la pièce et je sors dès que possible pour m’enfuir.
Tiens donc, je m’enfuis ? Mais alors je fuis ma douleur ? Et si j’essayais de me rapprocher de mes valeurs… Cela changerait quoi ? Pour quoi ou pour qui est-ce que je pourrais rester à ce rituel ? Pas pour le mort ! Ça c’est sûr, puisqu’il est mort et que pour moi quand on est mort, on s’en fout du reste donc…
Pour les autres ? Mais qui ? Voilà ! J’ai trouvé… Je reste à ces rituels pour soutenir ceux que j’aime… Mais ceux que j’aime, on-t-ils besoin de ma présence ? Ou bien sont-ils avec les proches et je n’ai pas ma place ? Et si je leur demandais ? Et bien ils me diraient “Bien sûr que j’ai besoin de ta présence” … Que ce soit vrai ou simplement pour me faire plaisir et montrer que je suis important… Donc il ne reste que mon intuition. Et si je lui faisais confiance ?
Pour le rituel mortuaire de ma mère, si je devais y aller ce serait pour quoi ? et pour qui ? Ce serait pour le regard des autres ! Merde alors ! Mais est-ce si important pour moi ? J’ai 61 ans la semaine prochaine et je reste à ce point attaché au regard des autres ? Bien, ma décision est prise… Pour moi le rituel funéraire a pour vocation d’aider celui qui a un deuil à faire. Et donc la réponse est claire.
Et vous comment vivez-vous ces instants de contact avec la mort ? Ce passage ? Ces deuils ? J’ai beaucoup aimé le livre de Jean Monbourquette sur le sujet : “Aimer, perdre et grandir”… Et aujourd’hui je continue à construire mon référentiel sur le sujet. C’est fou comme chacun d’entre-nous vit de manière différente ses deuils, et comment même chaque deuil est réellement différent.
Je ne peux qu’être d’accord avec toi sur le fait que chacun vit ses deuils selon le niveau et la manière de construction de son être. Une chose est sûre, du point de vue de mon expérience, ce n’est pas donné de le faire! Il fallait que j’apprenne à laisser partir “mes morts”. La formation de coaching m’a permis de m’en rendre compte et donné les outils pour travailler sur moi même. J’ai pu faire face à mes blessures qui me “coinçaient” pour finalement vivre positivement le détachement. Plus de 20 ans dans le brouillard pour un amour rouillé maintenu surtout par des désirs sans suite.
Bref, quand je perds quelqu’un je suis triste, profondément triste. Genre j’ai toujours horreur des adieux mais je me soigne…
Merci pour ce partage Khadija et tes interventions toujours tellement riches.
Je n’ai pas vécu de mort proche et contre attente. Mes parents, des tantes…, oui. Avec 2 accompagnements jusqu’au bout que je ne regrette pas du tout, ni pour eux, ni pour moi. Et surtout, de plus en plus, une sorte de communion avec la personne partie, juste a)rès son départ, par un dialogue entre elle et moi où elle me remet un message de vie, comme qq chose de cueilli très précieux sur la vie et qu’on ne peut faire qu’avec ce très grand recul. Ensuite, chacun reprend sa route, distincte, car il le faut pour la continuer, car chacun a sa route à encore faire, dans la vie, dans l’après-mort. Ce qui n’empêche pas pour moi de garder le souvenir et permet à la personne partie de poursuivre.
Merci pour ce partage Annie.